Bureau Agence Emeline Le Plain
Après de long mois sans venir écrire ici, il est temps de vous raconter les évènements de ces derniers mois. Après vous avoir parlé d’éthique, de valeurs, de limites, l’agence prendra un nouveau tournant à partir de la rentrée d’aout 2021, car je ne serai pas aussi disponible.
J’ai, enfin, obtenu la reconnaissance de mes centres intérêts moraux et matériels (CIMM) en Polynésie française, ce qui me donne à nouveau l’accès à un contrat de travail en institution, à partir de la prochaine rentrée scolaire. Youpi !
Pour ceux qui prendraient le train en cours de route, je fais un petit retour en arrière.
  J’ai réussi le concours de CPE en 2014 dans l’académie de Nantes. Suite à un évènement familial et à nos nombreux centres d’intérêts moraux et matériels en Polynésie française, j’ai pu obtenir le droit d’effectuer mon année de stage au collège de Taravao sur l’île de Tahiti, où j’ai été titularisée dans ma fonction de conseillère principale d’éducation.
Par la suite, j’ai bénéficié d’une affectation au collège de Paopao sur l’ile de Moorea-Maiao, pendant 4 ans, dans le cadre d’un contrat d’une durée de deux ans renouvelable une fois, en lien avec le décret de 1996, comme il est prévu dans les contrats des professeurs « mis à disposition » (MAD) par l’État pour la Polynésie française.
La seule condition qui m’aurait permis de rester sur ce collège aurait été la reconnaissance de mes centres intérêts moraux et matériels (CIMM) en Polynésie française, mais contre toute attente, ma demande de reconnaissance de mon CIMM a été refusée.
Cette reconnaissance permet d’obtenir un poste d’une durée de trois ans renouvelable à l’infini sauf si faute grave. J’ai fait des recours gracieux, et même présenté un recours devant le tribunal administratif (TA) sans vraiment comprendre, à ce moment là, la valeur du mot administratif. Les pièces apportées n’étaient pas suffisantes pour constituer un faisceau d’indices favorable à mon CIMM en Polynésie française.
air Tahiti nui
Air Tahiti Nui
Le 10 juillet 2019, quatre billets d’avions nous attendaient pour une nouvelle académie. Il faut savoir que vous perdez votre académie de concours en venant en stage sur un territoire outre-mer, qu’importe votre classement. L’administration m’a alors attribué, selon un barème de points, deux mois avant la fin de mon contrat, une nouvelle académie, celle de Strasbourg.
Nous ne pouvions pas partir vers cette nouvelle vie proposée. Ce chamboulement s’est ajouté à un autre évènement dont je parle ici, et c’est ainsi que j’ai eu l’idée de créer ma merveilleuse agence pour continuer d’accompagner les parents, les ados, mais aussi les professionnels de l’éducation par internet, et rester auprès de ma famille.
C’est un des aspects de mon métier en institution mais il est loin de tout représenter. Travailler à l’agence c’est aussi échanger l’ambiance d’une vie scolaire contre l’établissement de facture, de comptabilité…C’est autre chose et c’est pour cela que je n’ai jamais cessé de constituer mon dossier de CIMM. Je n’ai jamais compris cette phrase qui revenait sans cesse « Après avoir recueilli les avis des autorités administratives compétentes dans le cadre de cette procédure et après analyse des éléments présentés, j’ai le regret de vous faire connaitre que les arguments avancés dans votre demande, même s’ils constituent des éléments positifs, sont insuffisants pour permettre de reconnaitre le transfert du centre de vos intérêts matériels et moraux en Polynésie française  » car je remplissais tous les items sauf celle du lieu de naissance.
 
cimm refusé
Je me suis alors mise en disponibilité, et j’ai créé mon agence. Et le 24 janvier 2021, jour de mon anniversaire, j’ai ouvert un mail provenant de l’académie de Strasbourg m’annonçant :
« Vous avez sollicité la reconnaissance du transfert du centre de vos intérêts matériels et moraux en Polynésie française. Je vous informe qu’une suite favorable est réservée à votre demande. » aussi simple que ça.
Pourquoi maintenant ? Est-ce à cause des nouveaux justificatifs transmis ? Est-ce une personne ou des personnes qui se sont senties plus concernés, qui ont appuyés mon dossier ? On ne sait jamais comment est géré notre dossier ? Une secrétaire, un adjoint au bureau, un syndicat. Aucune idée.
Ce que je peux en dire aujourd’hui, suite aux nombreux appels téléphoniques reçues, c’est que :
Le père de mes enfants a été reconnu polynésien dès le début, étant né sur le territoire et ayant de nombreuses attaches. Le « problème » venait de moi, car JE n’étais pas née ici. Les centres d’intérêts moraux et matériels sont propre à LA personne et non au couple. Seul le fonctionnaire en poste est concerné.
Cependant, lorsque le couple se sépare, l’intérêt des enfants prime. La garde alternée étant difficile sur 18 000 kms, le CIMM est accordée au parent fonctionnaire qui le demande. Quid des parents non mariés ou marié qui s’aiment ?
Toujours est-il que c’est le demandeur qui est concerné. Les non-natifs ne sont pas polynésiens, et le mariage n’engendre pas un partage de lieu de naissance.
Tout comme une personne née sur le territoire, sans attaches, en ayant parfois grandi ailleurs, sera considérée comme polynésienne et aura ainsi la garantie d’un poste sans mutation vers la métropole. Alors qu’une personne arrivée à l’âge de 10 jours sur le territoire, même si elle présente toute sa scolarité et a grandi sur le fenua etc,  elle ne sera pas jamais considérée comme native.
Ainsi contrairement à ce que disait, Madame Christelle Lehartel dans son communiqué de presse du 7 aout 2020, tous les stagiaires-fonctionnaires ne sont pas considérés comme polynésiens. Par conséquence, les non-natifs auront une académie attribuée à la fin de leurs cinq années (stage et contrat de deux années renouvelables une fois) et seront soumis à un départ de la Polynésie pour aller exercer leur métier en métropole. Quant aux autres, ils auront un CIMM, un statut les protégeant ainsi de tout retour involontaire vers un établissement métropolitain.
Concrètement qu’est ce que le CIMM ?
CIMM
Le CIMM est une qualification administrative pour placer ou déplacer vos centres d’intérêts moraux et matériels en Polynésie française en fonction de vos attaches. Étant donné que cette profession est un corps d’Etat et remunéré par celui-ci, il considére que ses fonctionnaires ont leurs intérêts moraux et matériels en métropole. Il reconnait cependant des particularités à certains de ses fonctionnaires à travers le CIMM pour le second degré, et le CEAPF (corps d’État administré pour la Polynésie française) pour le premier degré.
Il existe 9 catégories donnant lieu à plusieurs critères dans chaque catégorie.
La première porte sur l’identité du demandeur (lieu de naissance, parcours scolaires, diplôme, journée de recensement, domiciliation de sa banque, carte d’électeur)
La seconde porte sur la situation administrative du demandeur (nom de l’académie d’origine, mise en disponibilité s’il y a.)
La troisième porte sur l’activité en Polynésie française (l’arrêté de titularisation ainsi que son lieu, le nombre de mises à dispositions, les procès-verbaux d’installation)
La quatrième porte sur les indemnités reçues (remboursement de loyer, primes d’éloignement, prime d’installation)
La cinquième porte sur la situation du conjoint, du concubin ou partenaire de PACS (identité, contrat de travail)
La sixième porte sur la situation des enfants à charge de l’agent installé en Polynésie française (livret de famille, certificat de scolarité)
La septième concerne la famille du demandeur (lieu de résidence des parents, beaux-parents, sépulture) 
La huitième porte sur les biens fonciers et immobiliers de l’agent en Polynésie française et enfin la dernière catégorie est libre pour saisir d’autres motifs reliant le demandeur à la Polynésie française.
Depuis l’année dernière, en octobre 2019, le vice-rectorat a mis en place la saisie des dossiers de demande de reconnaissance CIMM sur la plateforme démarches-simplifiees.com ici  Techniquement, l’application est disponible sur les serveurs peu de temps après la rentrée et ferme fin octobre. Toutes les informations sont sur le site du vice-rectorat. L’avantage de cette plateforme est qu’elle tend vers plus de clarté sur les items du traitement des dossiers. Auparavant, vous pouviez faire la demande sans savoir ce qu’il fallait vraiment mettre comme justificatifs à l’appui de celle-ci , et n’avoir aucune réponse.
Étant donné que les dossiers sont étudiés dans la dernière année d’exercice, la logique administrative faisait en sorte que vous étiez facilement hors délai. Souvent attaqués en justice et repris par le tribunal administratif, sur l’absence de portée normative de la part de l’administration sur ce sujet ; le mode de dépôt a été rendu plus clair à travers cette plateforme. Désormais, vous déposez votre dossier avant fin octobre de votre dernière année d’exercice et vous avez votre réponse dans le courant du premier trimestre.
Des inégalités d’obtention
Cependant, ce n’est pas parce que le mode de dépôt est plus clair que le mode de traitement est transparent ! Et c’est particulièrement parce que les conditions de validation des dossiers de CIMM sont opaques, que naissent des inégalités où des non-natifs obtiennent le CIMM sans que leur cas ne soit discuté en commission paritaire puisqu’aucune n’existe sur la reconnaissance de ce statut.
Ce qui, pour les non-natifs, propulse le CIMM en un graal réservé aux personnes faisant parti d’un certain cercle d’influence, comme une distinction honorifique qui permettrait d’obtenir un statut de local, inattaquable, en tout cas déchargé de la pression de « vol bleu » c’est à dire de retour express vers la métropole en cas de faute. 
Certaines personnes non natives bénéficient de cette reconnaissance et pourtant elles ne répondent pas aussi bien sur tous les critères que certains dossiers dont nous avons connaissance. Les syndicats essaient de se faire entendre au vu des dernières actualités comme ici. La création d’une commission paritaire à ce sujet permettrait de réduire les inégalités entre les non-natifs et d’établir un barème lisible. Quant aux natifs et aux familles de natifs, nous ne devrions même pas avoir à débattre de notre droit à exercer sur le fenua.
A l’heure actuelle, la reconnaissance de mon CIMM m’a été accordé. Lors de mon dernier dépôt, j’ai rajouté des vieilles pièces que j’ai retrouvé lors du confinement, comme des vieux baux de locations… etc, Est-ce le cumul des années effectives en Polynésie française qui excède désormais les 10 ans ont été reconnues ? Je ne sais pas. Une chose est sûr, je n’ai fait valoir aucune influence.
Il est temps que cette question soit débattue et qu’elle évolue afin de permettre une réelle égalité. Les fonctionnaires stagiaires comme les titulaires que j’ai pu rencontrer ne refusent pas de partir en métropole pour quelques années, ils souhaitent seulement partir avec les mêmes avantages que les MAD qui arrivent, en ayant également la certitude de pouvoir revenir et de ne pas être bloqué « en transit » pendant plusieurs années sur la métropole en voyant, comme cela a été le cas par le passé, des expatriés leur passer devant.
 Lors de ma thèse, j’ai rencontré une professionnelle polynésienne qui me confiait qu’elle irait bien en métropole, exercer son emploi de professeure pour accompagner son fils lors de ses années universitaires ; l’occasion pour elle de s’offrir une nouvelle expérience professionnelle tout en étant toujours plus proche que les 18 000 kms prévus.
Ce scénario est possible actuellement mais en contrat indéterminé, sans primes d’éloignement, ni d’installation. L’absence d’indemnités freinent considérablement les ardeurs en prenant en compte les frais d’un tel déménagement. On ne peut pas parler d’égalité réelle entre les fonctionnaires métropolitains qui viennent exercer sur le fenua durant 4 ans au terme desquels, par défaut, ils rentrent en métropole avec indemnités d’éloignement et de changement de résidence, et les fonctionnaires ultra-marin qui viennent exercer en France métropolitaine à leurs risques et périls, sans indemnité d’éloignement, et sans aucune garantie de rentrer au fenua au terme de 4 ans.
La question se pose également pour ces jeunes partis étudier en métropole, avec les passeports mobilités et qui construisent également leurs familles. Leurs enfants naitront en métropole et ne seront donc pas considérés comme polynésiens par l’administration française. Ils deviendront des enfants de natifs. Et si le mode de reconnaissance n’évolue pas, ces personnes qui ont souhaité suivre le jeu de se former en métropole pour revenir au fenua « avec quelque chose dans les mains » se verront pénaliser leurs enfants à leur tour en leur ayant donné un autre lieu de naissance que la Polynésie française. Ces derniers devront s’armer de leurs arbres généalogiques, est-ce une solution ?
Je fais le souhait que cette question soit prise en compte par les politiciens, donnant ainsi la possibilité aux familles de rester ensemble et de ne pas vivre une séparation lorsque leurs conditions économiques et familiales ne leur permettent pas de subir la perte d’un salaire.
Sur ce souhait, je vous remercie d’avoir fait vivre l’agence pendant ces deux années. Elle va se transformer, évoluer pour toujours vous accompagner à travers le monde, en espérant vous savoir toujours plus nombreux.
emeline le plain dans les pays
Top 10 des pays de l’agence 😉
Seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin,
Proverbe africain
 

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