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Le 11 mai, sur l’ensemble du territoire national, il est question de ré-ouvrir les portes de l’école aux élèves. En Polynésie française, d’où je vous écris, cela sera le 18 mai.
Il est dit depuis plusieurs jours que les maires pourront, au vu de la situation, ouvrir ou ne pas ouvrir les écoles s’ils n’ont pas les moyens de garantir la sécurité des élèves, des professeurs et des autres personnels. Cela se fera sur la base du volontariat ; ainsi les spécificités des territoires communaux seront prises en compte mais elles induiront obligatoirement une disparité des prises en charge.
Dans tous les cas, ce choix est soumis à une volonté partagée des familles.
Je suis là, pour vous faire partager notre choix de parents, en m’appuyant sur mon passé de CPE, sur l’instruction numérique mise en œuvre par l’Éducation Nationale, sur l’importance du dialogue aussi bien avec l’institution scolaire qu’avec vos enfants. C’est le regard d’une famille parmi tant d’autres mais ce regard pourra peut-être aider certains d’entre vous à prendre leur décision.
Mon expérience de CPE
Une des missions du conseiller principal d’éducation est de travailler sur l’accueil des élèves à travers la prise en charge des temps de vie scolaires, ceux où les élèves ne sont pas en cours notamment. Et cette situation me laisse entrevoir quelques questions, qui pour moi auront une incidence non négligeable sur le climat scolaire.
Comment maintenir une distance sociale lors des récréations ? En cas d’absence de récréation comment les élèves se détendent ? Malgré la pandémie, les adolescents restent des adolescents avec leurs propres besoins :c elui de besoin de se défouler, d’échanger… etc
Si les classes sont scindées en demi-groupe, le sont-elles par affinités entre élèves ?
Comment empêcher le sentiment d’être stigmatisé chez les élèves en difficultés scolaires s’ils sont les seuls admis ? Comment accueillir en étude les élèves lorsque la surface des locaux est déjà insuffisante en temps normal ?
Si la surveillance doit être accrue, comment faire en cas de manque d’adjoints d’éducation ou de professeurs étant donné qu’ils sont aussi présents sur la base du volontariat ?
Combien seront-ils à exercer leurs droits de retrait ? Comment et sous quelle forme sera distribué le gel hydro-alcoolique ? Les brasseurs d’airs utilisés dans les classes en Polynésie française contribuent ils à diffuser le virus ?
A l’instant où j’écris cet article, les scientifiques poursuivent leurs investigations sur les facteurs environnementaux. Lorsque l’on sait que l’accès à l’eau potable est déjà problématique dans certains établissements scolaires de Polynésie, la question d’une asepsie totale reste, soyons honnête, une idée utopique.
Enfin, je compte sur les infirmières scolaires en poste pour insister sur les réalités de terrain notamment autour du nombre de robinets d’eau, de toilettes… par établissement.
Je me pose également la question des choix retenus pour la rentrée progressive des élèves, collégiens, et lycéens. Pourquoi ne pas réserver les salles de classes aux élèves qui doivent passer un examen (Diplôme national du Brevet, Baccalauréat) ? Ils feront preuve de davantage de maturité pour respecter les gestes barrières. Les élèves en difficultés scolaires de ces classes ne seraient pas en situation de stigmatisation, et bénéficieraient de conditions de travail en petits groupes, ainsi que d’un établissement silencieux, se rapprochant ainsi des véritables conditions d’examens.
Pour les autres, continuons ce qui a été commencé 😉
L’instruction numérique mise en œuvre par l’Éducation Nationale
Du fait de cette pandémie, les équipes pédagogiques ont adapté leurs méthodes d’enseignement. L’Education nationale a répondu à son obligation d’instruction en utilisant différents canaux (télé, radio, presse, plateforme numérique) et nous en profitons.
Les cours sont transmis à ma fille par Pronotes et la plateforme Padlet, puisque nous avons un accès internet* Il en est de même pour les corrections. Et cela se passe bien, car je respecte notre rythme, sans pression.
Nous travaillons tous les deux, et nous ne sommes pas toujours disponibles pour scanner, imprimer, et tout faire avec elle, comme certains d’entre vous. Elle est en retard dans beaucoup de matières mais toutes les semaines, nous avons un contact avec la professeure principale pour faire un point. Le principal intérêt de cette période est réellement le dialogue. Les enseignants ont juste besoin de savoir où vous en êtes pour se maintenir encore une fois sur le paradoxe des exigences du programme et la réalité du terrain.
Je vous encourage réellement à discuter avec le référent de votre adolescent au collège. Il est là pour cela, ne restez pas seul. A chaque problème, sa solution !
*J’ai conscience que ce n’est pas le cas de tous, et je vous donne quelques informations ci-dessous.
L’importance de dialoguer
Dialoguer c’est aussi l’occasion de raconter comment s’est déroulée la semaine avec votre enfant. Respecter le programme c’est bien, savoir aussi quand on a besoin de souffler et adapter c’est mieux. Et n’oubliez pas qu’à vos côtés, vos enfants apprennent également beaucoup de compétences notamment psycho-sociales dont je vous ai déjà parlé ici https://emelineleplain.fr/2020/04/09/parents-premiers-enseignants-des-competences-psycho-sociales/ !
Vous ne serez pas inquiétés sur l’absentéisme de votre enfant. Je doute que les établissements scolaires signalent un manquement à la caisse de prévoyance sociale (CPS). Dans le cas contraire, n’hésitez pas à me contacter.
L’important est de continuer à dialoguer avec votre enfant, et dans la mesure du possible de poser le pour et le contre de chaque situation.
Bilan de la discussion avec notre fille
Notre fille aime sa vie au collège. Comme beaucoup d’adolescentes, elle a ses matières préférées et d’autres qu’elle aime moins. Elle apprécie surtout son temps de vie au collège : retrouver ses copines à la récréation, manger et discuter au réfectoire, échanger avec les professeurs à la sortie du cours, lire un livre et échanger autour d’une bd au CDI avec les copines sur les banquettes. Alors comment envisager de lui montrer ce nouveau visage du collège ?
Un collège « aseptisé » avec des professeurs « masqués » où des distances entre les copines, et les professeurs s’installeront, marqués par des tables éloignées. La notion de « virus » sera omniprésente. Le sentiment d’insécurité pourrait devenir plus prégnant encore. N’est-il pas trop tôt pour vivre cette expérience ? et si à la rentrée d’août, son collège était exactement comme celui de la rentrée de janvier de cette année. Et si tout simplement on attendait !
Bien sûr, certains élèves vivent des moments stressants psychologiquement chez eux. Il faut alerter le professeur principal de votre enfant qui contactera le PSY-EN (psychologue de l’Education nationale) de l’établissement ; formé à la prise en charge de vos adolescents. Ne restez pas seul !
Vous êtes, ou vous connaissez, une famille en difficulté
J’ai conscience que pour d’autres familles, il existe un lot de difficultés, mais qui a peut-être sa solution, je vous en donne quelques exemples, n’hésitez pas à partager ces informations, si vous connaissez des familles avec ce type de problématique.
« Je n’ai pas accès à internet » – Normalement l’établissement a organisé un système de livrets papiers, ou photocopies disponibles sur l’établissement scolaire. Une livraison est peut-être même mise en place lors de visites à domicile par quartier ou encore par drive comme j’ai pu le voir sur les réseaux sociaux. Renseignez-vous auprès de votre établissement !
« J’ai un téléphone avec internet mais d’envoyer les photos de cours, ça utilise toute ma 3G et mon crédit »
Expliquez votre situation et demandez à bénéficier du format papier afin de pouvoir rendre le travail exécuté. Peut-être que l’établissement a laissé son secrétariat ouvert à disposition des familles n’ayant pas internet ? Les documents pouvant être scannés et envoyés au professeur ? Peut être un lieu annexe comme la mairie ? Ou un professeur habite peut-être près de chez vous et peut constituer un relais entre vous et le collège ?
Des soucis financiers pour se procurer de la nourriture, payer le téléphone, les factures… etc.
Là encore, ne restez pas seul ! Appeler l’assistant.e sociale du collège. Il existe dans chaque établissement scolaire un fond d’aide social permettant de débloquer des fonds en fonction de votre situation. Les affaires sociales de la circonscription pourront eux aussi agir parallèlement. Surtout, manifestez-vous ! N’ayez pas honte !
Je dois retourner au travail, je n’ai pas le choix
Peut-être que les parents du meilleur copain, peuvent vous aider en terme de garde ? Faire l’école ainsi c’est peut-être plus facile ! Ou est-il en âge de se garder seul ? Continuez ce que vous avez commencé si vous avez trouvé votre équilibre 😉
Conclusion
Lorsque le coronavirus a été détecté en Polynésie française, trois types de réactions ont été rencontrés chez les parents :
Ceux qui se sont tout de suite confinés en raison de cette pandémie
Ceux qui n’avaient pas le choix que de les laisser aller à l’école ou au collège car ils n’avaient pas d’autres moyens de garde
Et ceux qui avaient peur que les allocations familiales leur soient retirées, comme j’ai pu le lire dans différents commentaires sur les réseaux sociaux.
Le temps du confinement nous a laissé entrevoir que le virus était arrivé par avion, par des touristes, mais aussi des personnes en déplacement professionnels, ou des retours de vacances hors Polynésie française, ou encore des nouveaux venus souhaitant s’installer en Polynésie. Puis le virus s’est propagé à des personnes autochtones, qui en remontant de fil en aiguille ont été en contact avec une personne qui avait voyagé.
Le coronavirus est intimement lié à la notion de voyage en Polynésie. Or, ces personnes ne voyagent plus, leurs conditions de vie leur permettent de se confiner convenablement avec leur entourage. Le virus progresse alors plutôt lentement, laissant apparaitre la fracture sociale du pays.
L’école, le seul lieu en Polynésie française où se recoupent toutes les catégories socio-professionnelles qu’elles soient favorisées ou non. Un lieu où les enfants sont, au vu des statistiques mondiales, « seulement » des porteurs sains. Ces enfants deviendront le pont qui pourra permettre au virus de toucher toutes les strates de la société polynésienne.
Nous sommes au mois de mai, la fin de l’année scolaire approche. Le dé-confinement progressif en Polynésie française a commencé, et deux issues sont possibles :
La progression du virus a été stoppée et les écoles pourront rouvrir normalement si on attend un peu avec un climat scolaire serein, sans masque, sans contrainte oppressante
Ou le virus sera présent en masse, aura traversé la fracture sociale qui scinde notre pays en deux, et dans ce cas-là, il n’y a pas d’intérêt à rouvrir les écoles ! même pour faire garderie.
Le tout est de se laisser le temps du dé-confinement.
MASQUEZ VOUS !
Une seule chose est sûre, que le virus soit enrayé ou non, il est primordial de respecter les gestes barrières, le lavage des mains, la distanciation sociale, l’évitement de projection de « goutelettes ». Même si les masques sont en tissu, si tout le monde en porte, vous réduirez les échanges, et c’est ce qui compte ! Le fait de sortir avec un masque envoie le message aux autres personnes que vous rencontrez, que vous prenez soin de vous et des autres.
Peut-être que nous n’aurons pas davantage de cas en Polynésie française et tant mieux, peut- être que ce sera l’inverse, et dans tous les cas, seul le temps répondra.
J’ai la chance de travailler de la maison, donc ici, nous continuerons de travailler de la maison, et ainsi laisser du temps au temps. En espérant un retour à la normale bientôt ! Nous vous souhaitons de trouver votre équilibre.
