
Cette semaine, je vous présente l’autre versant de mon agence, celui de la recherche, avec un autre de mes mantras, contribuer à « donner la parole à ceux qui l’ont rarement ». Depuis le début de mon cursus universitaire, j’ai eu à cœur de comprendre les inégalités scolaires. Il suffit de lire tous les intitulés de mes mémoires, et autres travaux de recherche pour s’en rendre compte. (clique ici)
Mes questionnements, mon vécu, m’ont poussé à m’inscrire en doctorat, en 2014, sous la direction de Marie Salaün. Ma thèse portait ce doux titre scientifique « Le modèle des conventions éducatives à l’épreuve d’un contexte postcolonial : la place du CPE dans la lutte contre le décrochage scolaire ».

Comme nous le savons, le décrochage scolaire est de cause multifactorielle. Nous avons choisi de nous concentrer sur le facteur lié à l’environnement à travers le contexte postcolonial. A savoir quel est le rôle du legs colonial dans l’adaptation locale du modèle scolaire républicain ? Existe-t-il une adaptation à ce contexte ultra-marin ? L’enquête s’est située à un double niveau : celui des représentations et des pratiques de l’administration scolaires vis-à-vis des familles (de haut en bas) et celui des expériences et stratégies des individus confrontés au système éducatif (de bas en haut). La porte d’entrée est la fonction de conseiller principal d’éducation (CPE) car il est précisément à l’interface entre l’institution scolaire et les familles. Une fonction qui a fait de moi une « insiders », celle qui voit les choses de l’intérieur. L’occasion de pouvoir observer tout ce qui se joue au collège au jour le jour, même si cette position ne présente pas que des avantages, elle a eu le mérite de me permettre de contribuer à cet ouvrage : « L’école ambiguë : histoires de familles à Tahiti ».

Lors de ma première année de CPE, en Polynésie française, j’ai été affectée au collège de Taravao, à la presqu’île de Tahiti. Cette année-là, j’ai identifié 58 élèves en situation de décrochage scolaire dans les classes de 4ème dont j’avais la responsabilité (sur environ 280 élèves). Une fois ma mutation effective sur l’île de Moorea, nous avons eu l’idée de recontacter certaines de ces familles durant l’été afin de savoir si elle voulait bien, nous expliquer, selon elles pourquoi leurs enfants étaient en situation de décrochage scolaire ? Si elles voulaient bien nous recevoir et nous raconter leurs histoires. Nous avons contacté 18 familles sur l’été 2015 afin de les rencontrer conjointement avec Marie Salaün. Seulement 8 entretiens ont finalement pu être réalisés. Ils ont eu pour but de mieux cerner la configuration familiale, pour contextualiser les expériences scolaires contemporaines des adolescents, les réinsérer dans une éventuelle trajectoire en questionnant la transmission d’un rapport à l’école spécifique de génération en génération*. Si cela vous intéresse, vous pouvez vous procurer ce magnifique ouvrage sur le site de l’Harmattan pour l’avoir en livre ou en ebook, (clique ici) Aux dernières nouvelles, il n’est plus disponible dans les libraires sur Tahiti, n’hésitez pas à m’envoyer un mail concernant mon stock personnel.

Le second versant de ma thèse concerne les CPE, conseillers principaux d’éducations, qui sont à l’interface même entre les familles et l’institution scolaire. Il intervient sur des questions scolaires mais aussi sociales, familiales en collaboration avec les autres acteurs de la communauté éducative. Sa fonction principale est de « placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective et d’épanouissement personnel » tout en visant la réussite du projet scolaire de l’élève. Le CPE a ainsi une casquette éducative et pédagogique. Sa connaissance globale de l’élève permet de faire du lien entre ce qui se passe à l’école et hors l’école, permettant de dédramatiser souvent les résultats d’un élève aux vues de sa situation familiale ou personnelle. Ce rapport aux familles nous interpelle et deviendra le fil conducteur de nos entretiens autour de : « comment le CPE va-t-il interpréter la mission qui est la sienne dans un contexte ultramarin formellement comparable mais fondamentalementdifférent ? »

Nous attendons avec impatience ce second livre.
Merci ! Il est en cours d’écriture 😉
Bonjour,
C’est vraiment un sujet intéressant, le décrochage scolaire en Polynésie est assez courant dans mes souvenirs étant étudiante au collège et lycée. J’ai commencé ton livre, j’y trouverais des réponses. Ce sujet pourrait être transposé à la métropole (avec le soleil, les couleurs et les sourires en moins :)), en ayant des enfants maintenant, c’est un fait qui reste dans la tête, ne pas que ça arrive à ses propres enfants.
Le corps enseignant de n’importe quel niveau aurait tout à gagner à lire tes publications, ils ont également un rôle dans ce décrochage. (je vois surtout par rapport à où je vis actuellement) Tomber sur le mauvais instit ou professeur (personnel peu investit et pas motivé) peut complètement ruiner une scolarité.
Etant dans une famille dite stable, je n’ai pas de recul sur ce facteur pour le décrochage, il est évident que le contexte familiale à aussi son rôle dans le décrochage. Ne pas se sentir suivi, soutenu ça ne doit pas aider.
Tes élèves ont dû se sentir vraiment à l’écoute pendant que tu étais CPE, l’éducation a vraiment perdu un super élément.
Ce sont des sujets dont on pourrait parler des heures 😉
Hello Jennifer,
Merci d’avoir pris le temps d’écrire ce long commentaire que je ne vois que maintenant.
et Quel baume au coeur, merci, merci,
je pense que rien n’arrive par hasard, cela me permet aussi de continuer à apprendre 😉
a bientôt pour de nouvelles aventures et au plaisir d’en parler avec toi pendant des heures,
Nous attendons avec impatience la publication de ce second livre, nous avons beaucoup apprécié le premier.
Geneviève
Merci beaucoup 😉
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